Il s’agit d’une étape qui apparait toujours compliquée, parfois insurmontable, dans une carrière professionnelle : négocier une augmentation de salaire. Autant la période d’un nouvel emploi dans une nouvelle entreprise est plutôt propice et favorable à la négociation d’une augmentation, souvent conséquente, de la rémunération, autant la négociation d’une augmentation au sein de l’entreprise dans laquelle nous sommes déjà intégrés depuis un long moment est beaucoup plus difficile. Il existe quelques techniques à connaitre pour mettre toutes les chances de son côté pour décrocher la meilleure augmentation possible.
Nous parlerons ici de négocier son salaire mensuel brut et son bonus récurrent, pour ceux qui en ont un. Nous ne parlerons pas du package global qui peut exister dans les entreprises, mais bien de la fiche de paie mensuelle qui rythme la vie du salarié dans l’entreprise.
Comprendre pourquoi est-ce que l’on veut une augmentation de salaire
C’est la première étape. Nous pouvons toujours estimer que nous méritons une augmentation de salaire. Seulement, il s’agit de comprendre pourquoi nous avons ce sentiment de mériter une augmentation.
Est-ce une raison professionnelle ? Auquel cas les causes sont multiples : nous n’avons pas été augmenté depuis plusieurs années, notre périmètre de responsabilité s’est élargi, un collègue qui réalise le même travail est bien mieux rémunéré que nous, l’entreprise a réalisé des bénéfices importants cette année, etc.
En revanche, nous pouvons également être influencé par des événements extérieurs qui viennent fausser notre jugement : notre conjoint vient d’être augmenté, pourquoi pas nous ? Le SMIC vient d’être réévalué, nous avons le sentiment que nous sommes exclus de cette revalorisation large des conditions salariales des salariés français ; nous voulons déménager car notre appartement / maison nous semble trop petit, mais nos moyens ne sont pas assez importants pour augmenter la surface, etc.
Il faut se méfier et identifier ces événements extérieurs qui influencent notre jugement, mais qui ne sont pas objectivement liés à notre performance professionnelle et qui ne peuvent donc pas entrer en ligne de compte pour négocier une augmentation de salaire.
Trouver son argumentaire
On l’a vu, plusieurs raisons peuvent nous pousser au sentiment de mériter une augmentation de salaire. Cependant, pour convaincre notre supérieur hiérarchique ou notre RH (ou même les deux) que nous méritons réellement notre augmentation, il faut absolument présenter un argumentaire solide, étayé, cohérent. Pour cela, plusieurs arguments récurrents peuvent nous aider.
1) L’inflation
Tous les ans, ou presque, on observe une augmentation généralisée des prix des biens et services de consommation : l’inflation.
Depuis 10 ans, en France, le taux d’inflation est compris entre 0% (2015) et légèrement plus que 2% (2011) selon l’INSEE. Autrement dit, tous les ans, la quantité donnée d’un produit que l’on peut acheter avec une somme fixe diminue. Cela signifie qu’à salaire égal, notre pouvoir d’achat diminue. Dès lors, il est possible d’argumenter pour voir son salaire augmenter a minima du niveau de l’inflation. Dès lors que notre salaire n’augmente pas plus fortement que l’inflation, notre pouvoir d’achat stagne ou diminue. Nous pouvons alors entamer notre discussion avec managers et RH sur cette base-là, a fortiori si nous n’avons pas été augmenté depuis plusieurs années.
Seulement, à poste équivalent, il n’est pas incohérent que notre pouvoir d’achat stagne. Lorsque l’on vise une augmentation de salaire, il est sous-entendu que nous espérons améliorer notre pouvoir d’achat. Pour cela, le seul argument de l’inflation ne sera pas suffisant.
2) Les bons résultats de l’entreprise
Lorsqu’une entreprise fonctionne bien, il peut paraitre tentant d’utiliser ce contexte économique porteur pour négocier une augmentation de salaire, surtout lorsqu’on participe fortement et directement à ces bons résultats. Souvent, les grosses entreprises ont des mécanismes de redistribution des bénéfices, donc il est plus difficile d’y obtenir une augmentation liée aux résultats. En revanche, dans les petites structures comme les TPE-PME, les fenêtres d’opportunités sont plus nombreuses.
Cependant, il existe plusieurs pièges à éviter :
- D’abord, lorsque votre entreprise compte plus de 50 salariés, elle doit vous verser la « participation », qui est un mécanisme de redistribution des bénéfices aux employés. D’autres entreprises y ajoutent une part supplémentaire, l’intéressement. Lorsque vous bénéficiez de tels avantages, vous êtes déjà touchés par des mécanismes qui réfléchissent la bonne santé financière des entreprises sur la rémunération de leurs collaborateurs. Si vous bénéficiez de primes d’autre nature mais qui restent liées à la performance financière de votre entreprise, votre argument aura également moins de poids.
- Lorsque vous n’êtes pas éligibles à ces mécanismes, vous pouvez espérer négocier une augmentation liée aux bons résultats. Cependant, il vous faut bien analyser les indicateurs que vous mettez en avant. En effet, une simple hausse du chiffre d’affaires peut aussi être le fruit de l’inflation, et donc ne pas être un bon argument pour la négociation d’une augmentation. Il peut aussi être lié à l’augmentation du volume de vente, corrélé à l’augmentation du nombre de salarié et de charges, ce qui n’en fait pas un bon argument pour une augmentation individuelle. Préférez l’augmentation du bénéfice de l’entreprise qui est davantage représentatif de sa bonne santé financière.
3) L’élargissement de votre périmètre de responsabilité
C’est très certainement le meilleur argument pour vendre votre augmentation à votre management et votre responsable des ressources humaines. Depuis votre arrivée sur le poste, votre périmètre de responsabilités a considérablement augmenté : vous êtes passés de 30 à 40 clients en gestion, vous êtes passés d’un périmètre régional à national, vous avez doublé le montant des projets que vous gérez, etc. Nombreuses sont les évolutions progressives d’un poste qui ne sont pas suffisamment nettes pour justifier une augmentation conséquente au moment du changement, mais qui, bout à bout, représentent une augmentation considérable de la charge de travail qui nécessite une réévaluation du niveau de rémunération qui vient récompenser cette charge de travail.
C’est alors votre rôle de documenter cette évolution professionnelle et de justifier qu’elle ne s’est pas accompagnée d’un changement des conditions salariales.
Comme nous venons de le voir, il existe différentes stratégies à adopter pour mettre en avant les bons arguments qui permettront de convaincre ses interlocuteurs (manager, ressources humaines) que nous méritons une augmentation de salaire. En revanche, le travail à effectuer ne s’arrête pas là : il va également falloir définir un cadre de négociation, estimer le montant raisonnable que l’on mérite pour cette augmentation et mener les négociations. Toutes ces étapes ne s’improvisent pas. Vous trouverez tous nos conseils sur la négociation du salaire dans un précédent article.
Enfin, il va sans dire qu’une telle discussion ne s’improvise pas du jour au lendemain et qu’il faut choisir le bon moment pour aborder le sujet, que ce soit avec son/sa manager ou son/sa RH. De manière générale, privilégiez un instant dédié à cette discussion, pour qu’elle ne soit pas polluée par des échanges sur des sujets opérationnels, techniques, logistiques, qui viendraient potentiellement influencer le cours de l’échange.