Depuis quelques temps, le terme de finance verte a fait une apparition progressive dans le vocabulaire du secteur financier et de manière plus large. Il est vrai que le monde de la finance a souvent une image très cynique et pragmatique, d’investir pour le rendement le plus important sans aucune considération écologique ni sociales. Si ce portrait peu glorieux représente bien une certaine réalité du monde de la finance, il existe certaines initiatives, de plus en plus nombreuses et à des échelles de plus en plus importantes qui redorent le blason du monde de la finance.
« La « finance verte » est une notion qui définit les actions et opérations financières qui favorisent la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique » selon le ministère de l’économie. Ces actions et opérations financières ont donc pour objectif de concilier action écologique et rentabilité financière. Il ne faut pas perdre de vue que l’objectif final est le même pour les investisseurs : obtenir un retour sur investissement le plus important possible. Pour cela, il existe différents outils dans l’arsenal de la « Finance Verte ».
1 – Les obligations vertes (ou Green Bonds)
Les obligations vertes fonctionnent comme des obligations classiques sur un marché financier. A ceci près que les obligations vertes sont émises pour financer des projets à impact environnemental, écologique. Pour s’assurer que les obligations que l’on achète sont bien « vertes », il existe différents labels qui viennent certifier cela. Il s’agit d’un marché en pleine expansion (malgré un léger ralentissement en 2020, avec 220 milliards de dollars émis en 2020 et 265 milliards en 2019. Pour l’année 2021, les prévisions d’émissions de Green Bonds oscillent entre 300 et 400 milliards de dollars.
On comprend aisément qu’un marché en telle croissance attirent les investisseurs ! Cependant, le réel impact environnemental obligations vertes est questionnable : elles ne sont en effet pas contraignantes pour les émetteurs et les critères pour être labellisés sont variables voire flous. Ainsi, ils représentent une belle opportunité de green washing, loin de leur utilité première.
Mais les Green Bonds seront peut-être bientôt concurrencés par un nouveau type d’obligation : les « Sustainability-linked Bonds ». Ces obligations n’ont pas vocation à financer un projet précis et définis, mais à financer l’activité générale de l’émetteur. Surtout, il existe des objectifs environnementaux et sociaux précis à atteindre, sous peine de voir augmenter le coupon.
2 – Le marché du carbone
Le marché du carbone est un instrument visant à lutter contre les émissions de CO2. Le plus gros marché mondial est le marché européen, créé en 2005. Il fonctionne selon un principe simple, celui du « droit à polluer ». Pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre, le régulateur du marché (l’Union Européenne) fixe un niveau maximum d’émissions annuelles pour les 10 000 entreprises qui composent ce marché. Elle alloue ensuite à chaque acteur un ticket de « droit à polluer », de manière gratuite. Les acteurs sont ensuite libres de vendre ou d’acheter des volumes d’émissions de gaz à effet de serre.
Pour prendre un exemple (fictif) : 3 entreprises ont reçu un ticket de « droit à polluer » sur le marché du carbone. Prenons une échelle fictive où chaque ticket est égal à un « droit à polluer » de 100 tonnes de C02. Si l’entreprise A rejette 80 tonnes de CO2, l’entreprise B 90 tonnes et l’entreprise C 130 tonnes de C01, la troisième entreprise pourra acheter aux deux premières l’autorisation de polluer les 30 tonnes supplémentaires. Si elle ne le fait pas, elle risque une forte amende.
Il y a donc une forte incitation à réduire ses émissions carbones pour revendre ses quotas non-utilisés (et qui ont été obtenus gratuitement), ce qui a pour conséquence une réduction globale des émissions de gaz à effet de serre. Seulement, ce marché du carbone européen n’a pas été jusqu’ici très efficace en raison d’un trop grand nombre de quotas disponibles, ce qui ne représente pas une incitation suffisante aux entreprises. Ainsi, en 2007, le prix d’émission était descendu jusqu’à… 0€.
Certaines évolutions sont prévues pour rendre plus efficace ce marché du carbone, comme la réduction du nombre de quotas ou encore le fait de ne plus les attribuer totalement gratuitement aux entreprises et de leur faire payer plus de la moitié des quotas reçus.
3 – Les mesures plus connues
Les green bonds et le marché du carbone ne sont pas les seules composantes de la Finance Verte. On retrouve également quelques mesures bien connues du grand public. Ainsi, on peut citer le bonus / malus à l’achat de véhicule, dont le principe est simple : les achats de véhicules polluants sont taxés alors que les voitures qui polluent moins comme les électriques ou les hybrides font l’objet de réduction de coût pour inciter à leur achat.
De la même manière, il existe une fiscalité avantageuse pour les particuliers qui favorisent les énergies durables et l’efficacité énergétiques de leurs habitations. Existent ainsi le CITE, le Crédit d’Impôt pour la Transition Ecologique ou encore l’éco-prêt à taux zéro. Ces mécanismes visent les contribuables individuels, les particuliers, et non les entreprises.
Enfin, nous citerons la taxe carbone, qui existe en France depuis 2014. De son nom officiel, la Contribution Climat Energie, elle permet de taxer les tonnes de CO2 émises par les entreprises. Cependant, elle accorde un grand nombre d’exceptions à certains secteurs qui se trouvent exonérés de cette taxe. Le montant à payer pour chaque tonne émise n’a cessé d’augmenter depuis sa création. Elle est ainsi passée de 7€ hors TVA par tonne en 2014 à 44,6€ hors TVA en 2018 (ce qui a permis de récolter plus de 9 milliards d’euros cette année-là.
En revanche, les augmentations prévues en 2019 et 2020 ont été gelées suite au mouvement des gilets jaunes, alors même que la trajectoire d’augmentation dessinées était annoncée comme insuffisante pour remplir les objectifs écologiques fixés par l’Accord de Paris (COP21).
La Finance verte, entre résultats décevants et green washing ?
Jusqu’ici, on le voit au travers des différents outils présentés dans cet article, la finance verte n’est pas un outil décisif de régulation environnemental et écologique. On note ainsi :
- Des obligations vertes peu contraignantes qui deviennent trop souvent un outil de green washing pour les entreprises et les Etats,
- Un marché du carbone mal conçu qui n’a pas atteint ses objectifs d’incitation à réduire les émissions de gaz à effet de serre ;
- Des mesures à destination des particuliers qui n’ont pas le même impact que des normes s’appliquant aux Etats et aux entreprises ;
- Une taxe carbone pas assez ambitieuse pour satisfaire les objectifs fixés.
En résumé, la finance verte est une somme d’outils créés avec un objectif louable mais qui manquaient toujours de quelque chose pour être réellement créateur d’impact. Cependant, il ne faut pas oublier qu’il s’agit de mécanismes assez récents qui peuvent encore s’améliorer avec le temps. Le marché du carbone par exemple, avec une meilleure régulation, pourrait se révéler être un outil des plus efficaces. D’autres mécanismes émergent également (les Sustainability-linked Bonds par exemple) et l’on peut espérer que leur impact sera plus important que celui de leurs prédécesseurs.
Robin Labouérie